lundi 5 novembre 2007

MESSAGE AUX PARTICIPANT(E)S DE LA REUNION DE LALOUVESC

PAR RAOUL MARC JENNAR :

J’adresse mon plus cordial salut aux participant(e)s à cette réunion à laquelle j’aurais aimé assister. Au moment où vous ouvrirez vos travaux, la journée à Phnom Penh aura cinq heures de plus. De mon bureau à la présidence du Conseil des Ministres du Cambodge, je serai de tout cœur avec vous.

L’initiative de cette réunion s’inscrit dans une démarche indispensable. En effet, l’inclination générale est au consensus mou, à l’acquiescement, à la soumission. Comme rarement jusqu’ici, le discours sur la servitude volontaire d’Etienne de la Boétie conserve toute sa pertinence, même si les formes de l’asservissement comme celles de la servitude ont changé.

C’est pourquoi, plus que jamais, il apparaît nécessaire de poser la question qui est au cœur de notre humanité, de ses modes d’organisation et de fonctionnement et de son rapport avec le milieu dans lequel elle vit : le modèle d’organisation basé sur la toute puissance de l’argent et la logique du profit constitue-t-il l’ordre naturel des choses et représente-t-il notre horizon désormais indépassable ?

Depuis les années 80, nous connaissons une évolution qui tend à ériger la concurrence comme mode opératoire exclusif de toutes les activités humaines et de l’ensemble des rapports sociaux. Cette évolution baptisée « mondialisation » ou encore « mondialisation néolibérale » ou « globalisation » se manifeste par une dérégulation massive négociée par les gouvernements le plus souvent dans le cadre d’institutions internationales comme l’Organisation Mondiale du Commerce ou l’Union européenne et ensuite exécutée par ces mêmes gouvernements.

Des statuts et des normes, établis souvent au terme de luttes politiques et sociales fort âpres, qui tendaient vers plus de justice, plus de solidarité, plus de démocratie aussi, sont considérés comme des « obstacles à la concurrence » et abolis. La puissance publique, censée incarner l’intérêt général, est affaiblie dans ses capacités régulatrices et redistributrices. Elle est mise au service des intérêts particuliers. Elle est désormais cantonnée à des tâches sécuritaires renforcées. Les contre-pouvoirs et les mécanismes de contrôle, indispensables en démocratie, disparaissent les uns après les autres.

La règle du chacun pour soi qui prévaut désormais accroît les inégalités. La course au profit devenue la norme morale dominante remet en cause la cohésion sociale. La logique de la croissance contribue à la destruction de notre cadre de vie. Le système que tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont progressivement mis en place conduit notre humanité et la planète sur laquelle elle vit vers des lendemains douloureux dont les générations qui viennent vont avoir à supporter les conséquences. Mais qui se soucie de ce que nous allons laisser aux générations qui viennent ?

C’est de toutes ces questions graves, presque toujours délaissées par les médias, que vous devez vous emparer pour proposer l’indispensable alternative. Il y a urgence. Bons travaux.

Je suis sans doute loin. Je le serai ainsi pendant quatre ans. Mais je ne le serai pas tout le temps puisque, finalement, le contrat que j’ai négocié implique une présence physique au Cambodge deux fois par an pour des périodes de trois mois. Je continuerai donc mon travail pédagogique sur l’OMC et sur l’Union européenne dans le cadre de l’URFIG lorsque je ne serai pas au Cambodge.

Raoul Marc JENNAR

Conseiller du Gouvernement du Cambodge

Animateur de l’URFIG (Unité de recherche, de formation et d’information sur la globalisation), France.